« Grexit, Brexit, deux standards »
Extraits d’une chronique du commentateur politique Hubert Huertas pour Médiapart le 19/02/16 :
Grexit, Brexit. Deux menaces de sortie pour l’Europe …Dans les deux cas, des nations veulent détourner les règles. Dans les deux cas, elles ont dégainé un référendum. Mais là s’arrête la ressemblance. Tsipras était le diable, Cameron est un partenaire.
La Grèce appartient à la zone euro et entend y rester, mais voulait reprendre son souffle après des années d’austérité. La Grande-Bretagne a conservé sa monnaie mais voudrait … avoir un droit de regard, jusqu’au veto sur la politique économique de la zone euro. La Grèce est pauvre et voulait déroger pour le devenir un peu moins, la Grande-Bretagne est riche et voudrait un statut spécial, à la fois en dehors et en dedans, pour le devenir un peu plus.
Dans les deux cas, ces revendications coûtent cher à la communauté, et risquent de provoquer des contagions. Aider les Grecs … aurait amené les pays européens à fermer les yeux sur certaines dettes et aurait pu inspirer d’autres pays … Mais tolérer l’originalité britannique coûte également des milliards…depuis longtemps. Souvenez-vous de l’agacement de Jacques Chirac devant les exigences de Margaret Thatcher… en 1988 : « Mais qu’est-ce que elle me veut de plus cette mégère ? Mes couilles sur un plateau ? ». Cameron… veut introduire des formes de droits d’exception qui lui permettraient, sur le plan social, sur les banques et au niveau de l’immigration, de faire ce qu’il veut à la maison ... et son exigence intéresse de nombreux pays, la Hongrie par exemple …
Dans les deux cas, l’Europe s’est trouvée confrontée à un référendum, c’est-à-dire l’expression d’une opinion publique. Quand Tsipras a convoqué le sien, la presse française a hurlé au scandale … Le ton est fort différent avec la Grande-Bretagne …et les éditorialistes ont rangé leurs adjectifs vengeurs …
Le Président de l’Eurogroupe disait dès janvier 2015 au nouveau gouvernement grec : « C’est le mémorandum ou l’échec du programme ». Manuel Valls souligne que la sortie de la Grande-Bretagne serait « un choc pour l’Europe, mais surtout un choc sur le regard que le monde porterait sur l’Europe qui connaîtrait ainsi une crise ». Autant dire que l’Europe est appelée à céder… De même Angela Merkel indique le chemin à suivre : son pays était dur en affaires avec la petite Grèce, et voilà qu’il est tout miel avec la Grande-Bretagne, même sur la question sensible de la limitation des prestations sociales : « Les demandes de David Cameron sont compréhensibles et justifiées …Il est évident que chaque pays membre doit pouvoir protéger son système social contre les abus »… Cette « défense d’un système social contre les abus » était pourtant la revendication des Grecs …mais on parlait des abus de la finance (et vu de l’Europe, c’était une calamité), alors qu’en Angleterre il s’agit de se protéger des hommes (et pour l’Union, ce serait moins illégitime).
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