La Catalogne et l’Ecosse sous les projecteurs
Le magazine en ligne EUobserver publie le 22 mars 2017 sous forme de tribune une étude intéressante concernant les enjeux géopolitiques pour l’UE créés par les tendances indépendantistes de ces deux régions. L’article, dont nous donnons un résumé ci-après, est cosigné de deux chercheurs doctorants à l’université de Cambridge (R-U) : Adrià Salvador Palau et Jon Roozenbeek originaires respectivement de Barcelone et des Pays-Bas.
La Catalogne, une région riche ayant toujours affirmé sa spécificité à l’intérieur de l’Espagne, a vu un mouvement indépendantiste gagner la majorité des sièges au sein de son Parlement au cours des cinq dernières années. Contre la volonté de Madrid, ce mouvement a l’intention de lancer à l’intérieur de la région un référendum sur son indépendance, dont le résultat aurait force de loi, avant fin 2017.
Parallèlement, dans les derniers mois, le gouvernement écossais a annoncé son intention de tenir un nouveau référendum sur l’indépendance de la région en 2018 (le premier en 2014 s’est soldé par la victoire des partisans du « non » à l’indépendance à 55,3%).
Le mouvement indépendantiste catalan est, comme celui de l’Ecosse, europhile.
Jusqu’à récemment, le levier géopolitique du gouvernement catalan était relativement faible vis-à-vis d’une Union européenne forte qui comptait l’Espagne comme un de ses membres les plus solides et qui traitait le mouvement indépendantiste avec une froide indifférence. Mais le contexte international et européen ayant changé brutalement (avec l’annexion de la Crimée, le Brexit, l’élection de Trump, la crise migratoire, l’évolution politique en Turquie et l’émergence plus marquée de partis populistes nationalistes au Pays-Bas, en France et en Allemagne) la donne du gouvernement catalan s’est améliorée face à une Europe affaiblie.
A l’intérieur de l’Espagne, le gouvernement de Madrid prend une position de plus en plus radicale contre la sécession de la Catalogne avec la traduction en justice de plusieurs figures politiques majeures du mouvement indépendantiste. Au Royaume-Uni, les relations entre Londres et Edinbourg, qui tous deux suivent de près les évènements en Catalogne, deviennent tendues. A l’initiative du député du Scottish National Party George Kerevan, un groupe parlementaire de toutes tendances a été créé au Parlement britannique pour suivre la situation en Catalogne.
Dans le cadre des négociations sur le Brexit, l’Europe se trouve face à un choix délicat : la tentation existe pour elle de jouer contre le Royaume-Uni la carte d’un éventuel soutien à l’indépendance de l’Ecosse. Cependant, elle sait que si elle devait accepter une adhésion accélérée de l’Ecosse comme membre de l’UE, la Catalogne pourrait prétendre au même traitement, et que si celui-ci lui était refusé, la Catalogne pourrait chercher un soutien politique et économique auprès du Royaume-Uni. Ce soutien, le Royaume-Uni pourrait le fournir, ne serait-ce que pour déstabiliser l’UE par mesure de représailles si celle-ci refusait de satisfaire ses exigences.
De son côté, l’Espagne a déclaré rapidement après l’annonce du nouveau référendum écossais qu’elle en respecterait le résultat, mais qu’elle n’accepterait pas que l’Ecosse devienne membre de l’UE.
Telle que la situation se présente actuellement pour la Catalogne, rompre avec l’Espagne serait renforcer le parti de ceux qui souhaitent déstabiliser une Union européenne déjà affaiblie, ce qui ne serait dans l’intérêt ni de l’Espagne ni de la Catalogne. Pourtant la coalition europhile au pouvoir en Catalogne risque de se trouver coincée sans solution alternative.
L’Espagne et l’UE ne peuvent plus faire semblant d’ignorer ce problème. Il est de leur responsabilité également d’aménager une porte de sortie acceptable, soit en permettant un référendum, soit en mettant en place un accord politique multilatéral avec la Catalogne.