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Yanis Varoufakis: Un spectre hante l'Europe - le spectre de la démocratie

Informations et opinions sur l'origine, les caractéristiques et les issues de la crise

Yanis Varoufakis: Un spectre hante l'Europe - le spectre de la démocratie

Messagepar gerald » Jeu 27 Aoû 2015 15:35

Yanis Varoufakis : « Un spectre hante l’Europe - le spectre de la démocratie »

Dans un long discours prononcé en anglais à Frangy-en Bresse le 23 août 2015 lors de la fête de la rose, l’ex-ministre des Finances grec s’exprime sur la signification politique des négociations entre la Grèce et l’Eurogroupe au premier semestre 2015. En résumé, il considère que l’enjeu de ces négociations n’était pas réellement économique mais politique et que pour l’Eurogroupe – organe non prévu dans les traités et anti-démocratique – la démocratie à l’échelle de l’Europe est un danger. Il prévient que la France, en tant que membre important de l’euro pourrait elle aussi subir une limitation de ses processus démocratiques.

Quelques extraits :

« Je vais vous dire pourquoi je suis ici avec des mots empruntés à un vieux manifeste célèbre. Je suis ici parce que un spectre hante l’Europe – le spectre de la démocratie. Toutes les puissances de la vieille Europe ont conclu une sainte alliance pour exorciser ce spectre…Je suis ici parce que une petite nation a choisi de s’opposer à cette sainte alliance…parce que notre Printemps d’Athènes a été écrasé comme le fut celui de Prague. Bien sûr pas par des tanks mais par des banques. Comme Berthold Brecht l’a dit une fois : « Pourquoi envoyer des assassins quand vous pouvez envoyer des huissiers ? » Pourquoi faire un coup d’état quand vous pouvez envoyer le Président de l’Eurogroupe dire au nouveau ministre des Finances d’un gouvernement fraîchement élu….qu’il y a le choix entre le programme d’austérité qui a plongé son pays dans une énorme dépression, ou la fermeture de ses banques nationales ? Pourquoi envoyer des troupes quand les visites mensuelles de la Troïka peuvent contrôler chaque branche du gouvernement et écrire chaque loi du pays ?....

Il n’est pas vrai que l’intérêt de nos créanciers soit d’obtenir leur argent de l’Etat grec. Ou qu’ils veuillent voir la Grèce réformée. Si tel avait été le cas, ils auraient discuté sérieusement nos propositions de restructurer la dette publique grecque de façon à le permettre. Ils ont plutôt insisté sur notre reddition…. Ils voulaient une seule chose : confirmer la maxime du Docteur Schäuble selon laquelle les élections ne sont pas autorisées à changer quoi que ce soit en Europe. Que la démocratie s’arrête là où l’insolvabilité commence. Que les fières nations confrontées à des questions de dettes doivent être condamnées à la prison des débiteurs dans laquelle il est impossible de produire la richesse nécessaire pour rembourser les dettes et sortir de prison. Et c’est ainsi que l’Europe, maison commune, est devenue cage de fer partagée…. »

(Suit un long passage qui raconte en détail les négociations)

« …Je suis ici parce que ce qui nous est arrivé est en train de vous arriver. La Grèce est un champ de bataille sur lequel une guerre contre la démocratie européenne, contre la démocratie française a été tentée et testée….

Le plan du docteur Schäuble : (créer) un seigneur du budget eurozonal…muni de pouvoirs de véto sur les budgets nationaux. Sur le budget de la France pour être précis. A ceux qui disent « plus d’Europe » et parlent en faveur d’une « union politique », je dis : méfiez-vous…La question est : quel genre d’union politique ?
Un royaume démocratique de prospérité partagée ? Ou une cage de fer pour les peuples d’Europe ? Une démocratie fédérale comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou l’Australie …..est fondée sur la souveraineté de ses citoyens comme en témoigne le pouvoir de ses représentants fédéraux de légiférer au nom du peuple souverain…En contraste, le plan Schäuble conçoit seulement des pouvoirs négatifs, un seigneur du budget qui peut seulement dire non, mais a des capacités très limitées de recycler les excédents vers les régions déficitaires de l’Europe – ce qu’un système fédéral ferait….

Lors d’une réunion de l’Eurogroupe le 27 juin 2015, le Président Dijsselbloem a annoncé qu’il était sur le point de convoquer une deuxième réunion tard dans la soirée sans moi. Je protestais qu’il ne pouvait pas de lui-même exclure le ministre des Finances d’un Etat membre de la zone euro et j’ai demandé un avis juridique sur la question. Après une courte pause, l’avis est tombé du Secrétariat de l’Eurogroupe : « L’Eurogroupe n’existe pas dans le droit européen. C’est un groupe de travail informel, par conséquent, aucune règle écrite ne peut contraindre son président »….Est-ce l’Europe pour laquelle Adenauer, de Gaulle, Brandt, Giscard, Schmidt, Kohl, Mitterand etc avaient travaillé ? Ou est-ce l’épitaphe de l’Europe que nous avions toujours pensé être notre point de référence, notre boussole ? »

Yanis Varoufakis conclut en disant que « nous laissons nos dirigeants faire quelque chose qui ne peut pas être fait : dépolitiser l’argent pour faire de Bruxelles, de l’Eurogroupe, de la BCE des zones franches apolitiques…Pour contrer cette dystopie, les peuples d’Europe doivent croire à nouveau que la démocratie n’est pas un luxe offert aux créanciers et refusé aux endettés. Peut-être le temps est-il venu d’un réseau européen dont l’objet explicite soit la démocratisation de l’euro. Pas un autre parti politique, mais une coalition inclusive paneuropéenne…s’engageant à passer de l’Europe de « Nous les gouvernements » à l’Europe de «Nous le peuple »…Le modèle des partis nationaux qui forment des alliances fragiles au Parlement Européen est obsolète. Les démocrates européens doivent se réunir d’abord, former un réseau, établir un programme commun et ensuite trouver des façons de se connecter avec les communautés locales au niveau national. Le réalisme exige d’être modestes et d’utiliser les institutions existantes de façon créative, et d’oublier, au moins pour l’instant, des modifications des traités et les mesures fédérales, qui ne pourront suivre que lorsque nous…aurons mis fin à la crise. »

Le texte complet du discours est disponible en anglais et en français sur le site : yanisvaroufakis.eu
gerald
 
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Re: Yanis Varoufakis: Un spectre hante l'Europe - le spectre de la démocratie

Messagepar rousski » Dim 14 Fév 2016 11:57

Yannis Varoufakis a confirmé ces jours-ci ses positions sur l’Europe, prises dans différentes tribunes et réunions pendant 2015, en lançant le 9 février 2016 à Berlin un mouvement de rassemblement appelé DiEM25 (« Democracy in Europe Movement 2025 »). Parmi les personnalités politiques alternatives présentes lors du lancement figuraient Julian Assange fondateur de Wikileaks (présent sur écran car toujours réfugié dans l’ambassade d’Equateur à Londres ) et la maire de Barcelone Ada Colau membre du mouvement citoyen catalan : on peut voir Assange comme symbole de la transparence institutionnelle voulue pour l’Europe par Varoufakis et Colau comme représentant des régions européennes désirant affirmer leur personnalité autonome. Parmi les écrits autour de cet événement : un manifeste DiEM (publié en intégralité sur le site de Médiapart) et plusieurs articles et entretiens parus notamment dans « The Guardian » du 5 et 10 février.

Résumé des positions de DiEM25 à partir de ces sources :

L’aversion vis-à-vis de l’Europe ressentie par beaucoup de Britanniques est justifiée, mais la conclusion qu’ils en tirent est mauvaise. En effet, Bruxelles méprise la démocratie et s’enivre à ne pas avoir à répondre de ses propres actions. Cependant, le compromis négocié par Cameron ne fera rien pour remédier à cette situation, mais a contrario voter pour le Brexit non plus. Le choix pour les Britanniques n’est pas de se soumettre à Bruxelles ou de quitter l’Union, c’est de relancer l’Europe sous le contrôle des citoyens.

Le fait est que l’évolution des états européens comme la Grande-Bretagne à travers les siècles les a transformés en organisations politiques capables de contenir les conflits sociaux et économiques en leur sein entre des groupes et des classes qui s’opposaient. L’histoire de l’UE et de la bureaucratie de Bruxelles est toute autre. Elle est née comme un cartel de l’industrie lourde réglementant les prix et redistribuant les profits au moyen d’une bureaucratie ad hoc. Comme tout cartel (et toute entreprise), elle craignait le « démos » et méprisait le concept du gouvernement par le peuple. Pour le contrer, elle a mis en place graduellement sur des décennies un processus de dépolitisation pour enlever le « démos » à la démocratie et habiller toute décision politique en fatalisme pseudo-bureaucratique. C’est ainsi que la Commission, le Conseil, l’Ecofin, l’Eurogroupe et la BCE sont devenus des zones a-politiques et
a-démocratiques. Toute opposition à ce processus est étiquetée « non-européenne ». En réalité, les procédures de l’Europe sont ultra-politiques puisqu’elles tentent de tuer la démocratie en empêchant la majorité des citoyens d’exercer un pouvoir démocratique sur la monnaie et la finance et en défendant les intérêts des vrais maîtres de cette bureaucratie, les conglomérats financiers et industriels.

Le prix à payer pour cette évolution a été non seulement la dépolitisation de l’Europe mais aussi la formulation de piètres politiques économiques, conduisant à une situation de récession permanente dans les états plus faibles, d’investissement insuffisant dans les plus grandes économies, des inégalités sans précédent et le désenchantement général partout. Plus ces politiques échouent, plus elles deviennent autoritaires et irrationnelles. Même les états membres comme la Grande-Bretagne qui ont eu le bon sens de ne pas se joindre à la zone euro, ont été affectés et aliénés par le glissement de l’Europe vers la déflation ; rechercher de l’inspiration ou des partenariats outre-atlantique ou auprès de la Chine ne peut conduire qu’à la déception et une grande perte de souveraineté, comme le confirme la lecture des projets de traités commerciaux tels le TTIP.

Beaucoup d’Européens seraient tentés aujourd’hui de déchirer les traités européens sauf qu’ils sont malgré tout attachés au marché unique tel qu’il existe. Pour poursuivre dans la voie du marché unique il faut un cadre juridique unique, des standards industriels, de protection sociale et environnementale identiques et des cours de justice pour les appliquer avec la même détermination partout, ce qui suppose un parlement commun qui écrit les lois et un exécutif pour les faire respecter. Pour des peuples qui, comme les Britanniques, sont très fortement attachés à leur parlement souverain national et en même temps au marché unique, comment faire ?

La réponse est qu’il faut un élan démocratique orchestré par des Européens qui cherchent à reprendre le contrôle de leur destin en démocratisant l’Europe, sinon elle se désintégrera et le coût pour tous sera épouvantable. C’est dans ce but qu’un certain nombre d’entre nous, originaires de toutes les parties du continent et différents culturellement, par nos affiliations idéologiques et politiques, nos sexes, couleur de peau, religions et conceptions de l’organisation de la société, ont fondé un nouveau mouvement DiEM25. Notre objectif, démocratiser l’Europe, est d’une urgence extrême. Nous lui donnons dix ans : horizon 2025.

C’est pourquoi notre organisation va viser quatre percées majeures, à des intervalles réguliers :

1) Immédiatement : La transparence complète de la prise de décision avec (i) diffusion en streaming, en direct, des réunions du Conseil, de l’Ecofin et de l’Eurogroupe, (ii) publication des minutes des réunions des gouverneurs de la BCE quelques semaines après leur tenue, (iii) mise en ligne de tous les documents concernant les négociations cruciales (ex. le partenariat transatlantique), (iv) inscription obligatoire des lobbyistes sur un registre où figurent notamment les noms de leurs clients, leur rémunération et un compte-rendu de leurs entretiens avec les responsables publics.

2) Dans les douze mois : une offensive contre la crise économique en cours, en utilisant les institutions existantes et dans le cadre des traités européens existants : pour stabiliser les crises dans 4 domaines : la dette publique, les banques, l’insuffisance des investissements et la montée de la pauvreté, on proposera des mesures visant à redéployer les institutions existantes (par réinterprétation créative des chartes et traités existants) avec comme objectif d’ européaniser ces problèmes, tout en limitant les prérogatives arbitraires de Bruxelles, et en rendant le pouvoir aux parlements nationaux, aux conseils régionaux, aux municipalités et aux communautés de base.

3) Dans les deux ans : convoquer une assemblée constituante : DiEM25 va préconiser une constituante composée de représentants élus sur des listes transnationales car nous estimons que le modèle des alliances boîteuses entre partis nationaux est obsolète. Le combat pour la « démocratie par la base » (au niveau local, régional et national) est nécessaire, mais reste insuffisant s’il est mené sans stratégie internationale en vue d’une coalition européenne pour démocratiser l’Europe. L’assemblée constituante sortie des urnes aura pouvoir de décision sur une future constitution démocratique qui remplacera tous les traités européens existants.

4) A l’horizon 2025 : la mise en œuvre des décisions de l’Assemblée constituante

A ce stade DiEM n’est ni parti politique, ni organisation ni laboratoire d’idées. Nous considérons comme obsolète le modèle conventionnel de parti politique. Plutôt que de se construire au niveau national puis de s’étendre à l’Europe, nous nous lançons au niveau international tout en tenant compte des mouvements existants et du sentiment national, régional et local sur le terrain.
rousski
 
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