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Yanis Varoufakis: L'Allemagne n'épargnera pas la Grèce; elle a un intérêt à nous briser

Origine et situation des dettes publiques, en Europe et ailleurs - Politique et pouvoir monétaires

Yanis Varoufakis: L'Allemagne n'épargnera pas la Grèce; elle a un intérêt à nous briser

Messagepar gerald » Lun 13 Juil 2015 20:19

Tribune de Yanis Varoufakis parue en langue anglaise dans « The Guardian » du 10 juillet 2015

Sous le titre : « L’Allemagne n’épargnera pas la Grèce : elle a un intérêt à nous briser », l’ancien Ministre des Finances grec donne son point de vue sur la crise actuelle. Nous résumons ci-après son argumentation :

C’est pour une seule raison que le drame de la Grèce a dominé l’actualité depuis 5 ans : le refus de ses créanciers de proposer un aménagement, pourtant essentiel, de la dette grecque. Pourquoi ? La réponse n’est pas économique mais politique.

En 2010 la Grèce est devenue insolvable. Il y avait alors deux options pour qu’elle reste dans l’Eurozone : 1) une réponse sensée : restructurer la dette et réformer l’économie, 2) l’option toxique, qui a été celle choisie : prêter plus d’argent à une entité en faillite en faisant semblant de croire qu’elle restait solvable. Le sauvetage des banques allemandes et françaises qui détenaient de la dette publique grecque a ainsi été préféré à la viabilité socio-économique de la Grèce. Voulant éviter d’avouer aux parlements européens que les contribuables européens devaient de nouveau payer pour les banques au moyen de prêts supplémentaires insoutenables, les autorités européennes ont présenté l’insolvabilité de la Grèce comme un problème de liquidité et ont justifié le sauvetage comme un geste de solidarité avec elle, tout en imposant une austérité extrême. Depuis lors, le revenu national de la Grèce à partir duquel dettes anciennes et nouvelles devaient être remboursées a diminué de plus d’un quart. Une fois l’opération terminée, l’Europe avait une raison supplémentaire pour refuser de discuter d’une restructuration de la dette : celle-ci serait faite aux dépens du contribuable européen !

Le mandat donné par les électeurs au gouvernement Tsipras a été de sortir de cette boucle en demandant une restructuration de la dette et la fin d’une austérité incapacitante. Il s’en est suivi cinq mois de négociations dans des conditions monétaires asphyxiantes, sur fond d’un mouvement de retrait des dépôts bancaires grecs supervisé et administré par la BCE. On nous a dit qu’il fallait capituler sinon au bout du chemin attendait la sortie de l’Eurozone, issue préférée ou arme utilisée par une large majorité à l’intérieur de l’Eurogroupe. Celui-ci restait sourd aux tentatives du gouvernement Tsipras d’inscrire la restructuration de la dette à l’ordre du jour des négociations.

Je vois trois raisons pour lesquelles ce sujet n’a pas été abordé : 1) l’inertie institutionnelle, 2) une dette insoutenable donne aux créanciers un pouvoir immense sur les débiteurs (et le pouvoir corrompt toujours), et 3) une raison structurelle : l’euro est une construction hybride entre mécanisme de change fixe qui réunit des devises nationales (comme l’ERM dans l’UE dans les années 1980) et devise unique d’Etat. Le premier repose pour sa cohésion sur la peur de l’exclusion chez les participants, alors que la seconde comprend des mécanismes pour recycler les excédents entre les entités faisant partie de l’Etat (un budget fédéral ou des obligations émises en commun). La zone euro tombent entre ces deux chaises : c’est plus qu’un mécanisme de changes fixe et moins qu’une devise étatique.

Voilà le hic ! Après la crise de 2008/9, l’Europe ne savait pas comment réagir : préparer le terrain pour l’expulsion d’un participant pour renforcer la discipline ? Commencer à se transformer en fédération ? Jusqu’ici elle n’a fait ni l’un ni l’autre, et son angoisse existentielle s’accroît sans cesse. Schäuble est convaincu qu’il a besoin d’un Grexit pour dissiper le malaise. Ma conviction est que le Ministre des Finances allemand veut exclure la Grèce pour semer la terreur chez les Français et les faire accepter son modèle d’une Eurozone où règne la discipline.

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gerald
 
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Re: Yanis Varoufakis: L'Allemagne n'épargnera pas la Grèce; elle a un intérêt à nous briser

Messagepar Claire » Mar 14 Juil 2015 12:03

L'euro plus qu'une politique de change et moins qu'une monnaie étatique ?
Est ce que celui-ci ne devient pas la façon émergée de l'iceberg d'un projet économique libéral où tous ceux qui le remettent en cause doivent être exclus ou « punis » ?

C'est le point de vue décrit dans cet article de la Tribune du lundi 13 juillet. Il y est décrit qu'une fois la menace de la sortie de l'euro levée, Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, n'avait plus de levier de négociation et a perdu la partie de poker qui se jouait avec ses créanciers.

2015_grece01.jpg
2015_grece01.jpg [ 1.21 Mio | Vu 1357 fois ]

L'article :
http://www.latribune.fr/economie/union- ... 91792.html

extraits :
«  Le gouvernement grec avait accepté jeudi soir le plan des créanciers présenté le 26 juin. Un plan déjà extrêmement difficile à accepter pour la majorité parlementaire grecque. Cette dernière s'était d'ailleurs fissurée vendredi soir dans le vote à la Vouli, le parlement grec. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pouvait cependant alors prétendre pouvoir arracher un accord sur la dette comme « compensation. » Malheureusement pour lui, les créanciers ont alors immédiatement compris le message : l'exécutif grec craignait davantage la sortie du pays de la zone euro que l'abandon de son propre programme. On aurait pu s'en douter dès le 22 juin lorsqu'Athènes avait déjà présenté un plan d'austérité. Mais le « non » au référendum avait été une contre-offensive qui, compte tenu du résultat, pouvait donner un mandat implicite au premier ministre pour réaliser le Grexit. Il n'en a pas jugé ainsi. En grande partie parce qu'il a commis l'erreur de ne pas le préparer.
Dès lors, la position grecque était extrêmement fragile. En effet, pour un petit pays aussi affaibli et endetté que la Grèce, la seule force dans les négociations était la menace de la sortie de la zone euro. Menace que, sans doute, il fallait éviter de mettre en oeuvre si c'était possible, mais qu'il fallait brandir assez sérieusement pour faire douter le camp d'en face. Dès lors que cette menace était levée, Athènes n'avait aucun moyen de pression.
La position grecque s'était alors entièrement découverte. Et les créanciers ont pu, sans crainte d'une rupture, augmenter leurs exigences. »

« C'est la réalisation du projet « fédéral » de Wolfgang Schäuble : créer une zone euro plus centralisée autour d'un projet économique accepté par tous, ce qui suppose l'exclusion de ceux qui le remettent en cause. Angela Merkel s'est rallié à ce projet parce qu'elle a compris qu'Alexis Tsipras ne sortirait pas de lui-même. Elle a donc pensé pouvoir obtenir la discipline et l'intégrité de la zone euro. Mais elle se trompe, elle a ouvert une boîte de Pandore qui pourrait coûter cher à l'avenir au projet européen. De ce point de vue, peu importe que le Grexit n'ait pas eu lieu  : sa menace suffit à modifier la nature de la zone euro. »
Claire
 
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Re: Yanis Varoufakis: L'Allemagne n'épargnera pas la Grèce; elle a un intérêt à nous briser

Messagepar Demos » Mar 14 Juil 2015 12:31

J'irais probablement plus loin que Mr Varoufakis. Ce n'est pas l'Allemagne qui a intérêt à briser la Grèce, mais plutôt les puissances économiques. La haute finance, qui doit être dissociée de l'idée étatique. Il faudrait voir plus loin que l'Etat, plus loin que la Nation.

J'ai trouvé assez étrange, dans la presse belge, on a parlé de la nuit des longs couteaux au sujet de la crise grecque. Qu'est ce que la nuit des longs couteaux, en fait. Nous sommes fin juin 1934. Le parti nazi est arrivé au pouvoir. Ce sont les SA qui ont porté le parti nazi au pouvoir, au travers d'une "politique" de meurtres, d'assassinats, et d'intimidation. La SA, c'est le chien de garde du régime nazi. Mais cela reste des chiens, de la populace. Le parti nazi, lui, est bien plus associé aux mouvements conservateurs, et aux grands entrepreneurs. En 1934, lorsque le pouvoir est conquis, ces conservateurs n'ont plus besoin de leurs chiens, le job est terminé. Ils vont donc faire assassiner tous les cadres dirigeants de la SA. C'est le peuple qui a mis les nazis au pouvoir. Mais le peuple doit bien comprendre que dans un système conservateur, rétrograde, son rôle doit se limiter au travail, au soutien de la patrie, et à la reproduction. Le reste, les décisions politiques, elles, seront prises par la "noblesse", par l'élite. Les conservateurs n'ont jamais aimé les peuples, ils en ont besoin, mais se méfient d'eux comme de la peste. Principalement lorsqu'un peuple tente de s'approprier une partie du pouvoir politique (la SA avait comme objectif la prise du pouvoir politique en Allemagne, par le peuple).

Qu'est-il arrivé en Grèce? Le peuple a tenté de reprendre une partie du pouvoir, de se reprendre en main, et de refuser la gestion comptable qui lui était imposé. Faute impardonnable, inacceptable. Il fallait donc punir ces troublions, les humilier, et leur rappeler qui est le maître. Et qui peut mieux rappeler au peuple grec qui est le maître, que des conservateurs allemands ? Les politiques allemands ont donc parfaitement jouer leur rôle, en nous permettant aussi de les pointer du doigt (à noter que l'on ne pointe pas les conservateurs allemands, mais l'Allemagne, ce qui me semble très différent). Pendant ce temps là, les financiers ricanent dans leur coin. Demain, les grecs détesteront probablement les allemands. Les allemands auront surement peur des grecs. Les autres ne sauront plus quoi penser. Et l'Europe des Nations, l'Europe des Etats, aura perdu une bataille importante.

Peut-être devrions nous nous remémorer qu'entre l'Etat et la haute finance, c'est la guerre. Parce que les entreprises ne connaissent que ça, la guerre économique, la concurrence. Elles n'ont pas notion des concepts comme la solidarité, la coopération. Seule l'autorité publique peut, au travers de la fiscalité par exemple, et de ses lois, orienter le monde entrepreneurial vers des causes plus justes. Livré à lui-même, le monde économique est sans pitié, je dirais même destructeur. C'est le politique qui doit le ramener à raison. Mais comment une classe politique inféodée au monde économique pourrait-elle jouer son rôle?

Cette crise, comme toutes les crises devrait nous servir à identifier les problèmes, afin d'améliorer notre système. Personne ne semble le vouloir au sein du pouvoir. Alors, comment conserver un socle démocratique, faire participer les citoyens, alors que tout s'y oppose?
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Re: Yanis Varoufakis: L'Allemagne n'épargnera pas la Grèce; elle a un intérêt à nous briser

Messagepar Claire » Mer 15 Juil 2015 10:26

tout à fait d'accord. La crise grecque c'est la mise en évidence de la puissance de la finance sur le politique (qui lexicalement signifie la vie de la cité, la gestion du vivre-ensemble en somme.) Twitter s'enflamme avec le hashtag #thisIsACoup lancé par les indigné espagnol contre le musellement politique de la Grèce et l'ingérence des puissances financières européennes dans son système.

Si on a une crise de ce genre tous les ans, peut-être les habituelles couvertures d'été des magazines féminins et autres papiers hautement philosophiques vont changer leurs classiques titres estivaux.
Fichiers joints
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