Dans le cadre d’un dossier « Antiterrorisme », Libération publie le 26 novembre 2015 un entretien avec l’eurodéputé Arnaud Danjean (Les Républicains), ancien agent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française et spécialiste des questions de défense et de sécurité.
Extraits :
En réponse à ceux qui ont pointé la responsabilité de l’UE après les attentats du 13 novembre : « L’UE ne peut être responsable que dans les domaines relevant de sa responsabilité. Or la sécurité intérieure, l’antiterrorisme et le renseignement restent des prérogatives quasi exclusivement nationales et intergouvernementales. Ce qui devrait inciter les Etats à un peu plus d’humilité avant d’incriminer une Europe dont ils ne souhaitent pas qu’elle se mêle de ces sujets sensibles ! Mais il faut aussi reconnaître que l’Union a failli dans la gestion des frontières. Schengen…a été, idéologiquement et fonctionnellement, promu comme un simple espace de libre circulation. C’est une faute, car il est aussi un espace de sécurité »
Concernant la transmission des renseignements entre services européens qui ne semble pas fonctionner de façon optimale : « Les échanges sont pourtant intensifs… mais la sensibilité des renseignements et leur mode de recueil incite les services à privilégier une communication strictement bilatérale. Une mutualisation plus large soulèverait des difficultés de protection des sources. »
Sur la création proposée par la Commission européenne d’une agence de renseignement européenne : « Ce n’est ni réaliste ni vraiment souhaitable. Avant de partager un renseignement, il faut le recueillir. Et cela suppose des dispositifs opérationnels qui soient au plus près du terrain…une agence européenne n’apporterait rien en matière de recueil. En revanche, une plateforme d’échange d’informations et de profils…serait une excellente idée. Mais nul besoin de créer une nouvelle agence : Europol pourrait parfaitement accueillir cette plateforme.»
Concernant l’élargissement du système d’information Schengen aux personnes simplement soupçonnés d’être des terroristes : « Avant de penser à l’élargir, il faudrait surtout l’alimenter correctement, ce qui relève de la responsabilité de chaque Etat…Par ailleurs il faut rappeler qu’il existe un fichier des combattants étrangers au sein d’Europol, mais qui est trop peu utilisé. »
Sur le PNR (Passenger Name Record –recueil des données des passagers aériens) : « Le PNR n’est certes pas un instrument miracle…mais un outil indispensable pour tracer les personnes suspectes…Pour qu’il soit efficace il faut y inclure les vols intérieurs car nous savons très bien que les parcours sont tronçonnés et que le seul trajet extra-européen ne rend pas compte de la complexité des itinéraires empruntés…Pour éviter les abus et respecter les libertés publiques, il faut bien sûr encadrer les modalité d’accès à ces données et leur durée de conservation. »
En réponse à la question de savoir s’il faut rétablir des contrôles fixes aux frontières intérieures de l’UE : « Des contrôles aux frontières intérieures limités dans le temps et dans l’espace, peuvent déstabiliser des réseaux et donc apporter des renseignements précieux, puisqu’un réseau perturbé produit de l’information en cherchant à se reconfigurer.
Faut-il renforcer les contrôles aux frontières extérieures ? « C’est un point crucial et c’est le grand échec collectif de l’Union et des Etats dans la mise en œuvre de Schengen…mais cela suppose des équipements et des effectifs, donc un budget ! Je ne suis pas forcément très fan d’un corps de garde-frontières européens - nous avons déjà tant de structures qui se bureaucratisent fatalement. Mais, de la même façon que la politique de défense commune permet de monter des missions civiles ou militaires avec des effectifs mis à disposition par les Etats, ces missions pourraient être étendues au contrôle des frontières. »
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