Renverser les rôles face à la bravacherie de l’Angleterre : tel est le conseil donné à l’Europe dans une tribune volontairement polémique publiée dans le « Guardian » du 11 janvier 2016 par le journaliste et écrivain hollandais Joris Luyendijk.
Résumé des points principaux :
Le moment où l’Europe traverse une crise très dangereuse est celui choisi par le gouvernement anglais pour exiger des « concessions ». En effet, pourquoi se limiter à donner des coups de pied à un homme à terre si on peut en même temps alléger son portefeuille ?
L’auteur déplore l’approche cynique du premier ministre britannique qui tente de convaincre ses concitoyens de rester en Europe uniquement en faisant miroiter des concessions financières qu’il a pu obtenir par le chantage . Une attitude plus noble et créative, puisque tout le monde sait que l’Europe a besoin de réformes, aurait été de proposer un programme pour rendre celle-ci plus attirante.
Alors que, pour la plupart des Européens du continent, l’UE représente la possibilité de se libérer du nationalisme et de ses méfaits au cours du XXème siècle, les Anglais apprennent à l’école que le nationalisme les a sauvés d’Hitler. Pourquoi alors se fondre dans une entité post-nationale ? D’où leur vision de l’Europe comme une zone commerciale. L’auteur se réfère aux Anglais et non pas aux Britanniques, puisque pour lui les Ecossais sont acquis à l’Europe et que les autres composantes de la Grande-Bretagne (Pays de Galles et Irlande du Nord) pèsent peu économiquement et en termes de population.
Comment l’Europe (450 millions d’habitants) peut-elle se laisser intimider par la bravacherie de 50 millions (ou plutôt de leur élite) qui présentent comme une grande faveur de leur part de rester dans l’UE ? L’Europe est actuellement vulnérable et ne peut pas se permettre de donner son attention ailleurs qu’aux vrais problèmes, ni de récompenser la menace cynique des Anglais de tenir un référendum, ce qui risquerait de déclencher d’ autres consultations de ce type ailleurs en Europe..
L’auteur propose :
-qu’on dise en substance aux Anglais : « Chiche de sortir ! », sachant qu’en réalité cette démarche serait contre leur propre intérêt : presque 50% du commerce de la G-B est avec l’UE, contre 11% dans l’autre sens. La fameuse « amitié » qui est censée lier la G-B aux Etats-Unis s’évaporerait si la G-B quittait l’Europe, puisque c’est pour avoir un pied en Europe que les USA entretiennent cette amitié. Certaines implantations industrielles étrangères en G-B qui tirent profit de leur accès au marché européen seraient susceptibles de désinvestir si le pays quittait l’UE : par exemple l’industrie automobile japonaise en G-B ne pourrait-elle pas être attirée par les facilités portuaires et maritimes de la Grèce ? L’auteur propose donc de laisser les Anglais partir pour mariner comme la Russie et la Turquie dans leur complexe d’anciennes puissances impériales.
-que les Etats-membres de l’UE parlent haut et fort entre eux (suffisamment fort pour être entendus par Londres) de l’offre qu’ils feront aux Ecossais s’ils préfèrent Bruxelles à Londres en cas de Brexit suite au référendum.
-de commencer à organiser le transfert du pouvoir financier de Londres vers le continent avec des discussions entre les capitales européennes sur les incitations à mettre en place. Le centre financier de l’Europe en dehors de la zone euro, c’est comme Wall Street à Cuba ! La dégringolade des prix de l’immobilier commercial à Londres serait vertigineuse.
A ceux qui trouvent que ses propositions radicales sont trop « non européennes » dans leur esprit, l’auteur rappelle que pour l’élite anglaise, être « non européen » est un compliment !
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