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Nous, les terroristes

Nous, les terroristes

Messagepar agénor » Jeu 16 Oct 2014 23:58

Je publie ici la traduction par mes soins d'un billet d'un chroniqueur du Spiegel, Jakob Augstein, dont je trouve qu'il mérite d'être partagé ici.
L'article original: http://www.spiegel.de/politik/deutschla ... 97476.html

Nous les terroristes

L'Occident combat le terrorisme islamiste. Pourquoi pas le nôtre? Le nombre de personnes qui sont victimes de nous est beaucoup plus élevé. Toutes les dix secondes un enfant meurt de faim. Par notre faute.

"Nous ne pouvons pas regarder à côté quand assassinats et viols sont monnaie courante" avait dit le ministre de la Défense von der Leyen initialement. Une grande coalition, de grands mots. 2014 devrait être pour les Allemands l'année de la responsabilité. Le slogan est désormais: rejoindre. La lutte contre le terrorisme, par exemple. Mais pas contre tout terrorisme. Les islamistes ont à craindre. Les capitalistes, non. Ils répandent un genre unique de terreur, cruel, avec de nombreuses victimes. Polémique? Exagération? Comme on aimerait que ce le soit.

2100 calories, 805 millions, douze milliards de dollars, dix secondes: En occident nous rencontrons la faim sous forme de chiffres: De combien une personne a besoin pour vivre, tel nombre de personnes n’ont pas assez à manger, la terre pourrait nourrir tel nombre de personnes aujourd'hui - et ça dure le temps qu’un enfant de moins de cinq ans de plus meurt de la faim. Trois millions chaque année. Ce sont les statistiques de la World Hunger Relief, publié plus tôt cette semaine. Mais la vérité se cache derrière les chiffres. «La faim n'est pas une mort calme, pas une extinction lente. La fin est cruelle, l'agonie est terrible", a déclaré Jean Ziegler, l'ancien combattant qui a consacré la moitié de sa vie à œuvrer contre la faim et ses coupables. Les coupables - c'est nous.

La faim n'est pas une loi naturelle. Elle est provoquée par l'homme. Elle apparait là où les gens souffrent. Là où les gouvernements corrompus, les administrations incompétentes. L'Occident est alors plus ou moins impliqué. Mais le plus souvent la faim se produit loin des misérables huttes. Par notre faute. La faim n'est pas un accident. Il s'agit d'une conséquence du système. En Août l’Inde a mis fin aux négociations pour un nouvel accord commercial mondial. Le gouvernement indien ne ne voulait pas renoncer au fait de subventionner l'alimentation de base pour les plus pauvres. Selon les règles de l'Occident ceci est une ingérence dans les forces du marché. Mais en Inde, 200 millions de personnes souffrent de la faim.

Lorsque les aliments sont cotés à la bourse, les investisseurs sont heureux de faire du profit. Mais pour les gens dans les villes misérables une hausse des prix peut signifier la mort. Tout le monde ne participe à cette sale affaire. Plus précisément, nos plus grandes entreprises, la Banque allemande et Allianz, ne veulent pas abandonner le commerce de produits financiers agricoles. L'argent n'a pas d'odeur. Mais il peut tuer.

L'Occident a construit un monde qui applique des règles mortelles. Ce sont les règles du soi-disant «consensus de Washington»: la privatisation, la mobilité totale et la dénationalisation. Le but est le rêve de néolibéraux: la stateless global governance, la gouvernance mondiale sans gouvernement. Nous en sommes sur le chemin. Les multinationales donnent des ordres aux Etats.

- Le Guatemala plafonne le prix de l'électricité - une des sociétés d'énergie américaines reçoit une compensation de 21 millions.
- L’Egypte augment le salaire minimum - un groupe de déchets français porte plainte - le procès est toujours en cours.
- Et maintenant, même la République fédérale d'Allemagne doit faire face à une multinationale en raison d'une décision politique prise par un tribunal international d'arbitrage: Vattenfall réclame des milliards en raison du fait que la sortie du nucléaire a été préjudiciable sa propre entreprise.

On ne peut pas comparer les nombres de morts, pondérer la morale et distribuer l’indignation selon des proportions. Mais quand nous voyons des images d'exécutions par les combattants islamistes, des décapitations publiques de citoyens occidentaux, notre colère éclate - et nous sommes prêts à mettre des militaires et des milliards en transition. Pourquoi n’éclate pas notre colère quand nous voyons les images d’enfants en train de mourir? Parce que les choses ne peuvent pas être changées? Mais ce n'est pas vrai. Nous parlons de l'immuabilité de cette horreur pour échapper à notre propre responsabilité.

Les gouvernements ne sont pas impuissants. Ils se déresponsabilisent eux-mêmes.L’Allemagne pourrait dès aujourd’hui commencer à lutter contre la faim dans le monde de manière efficace. C'est très simple.
- Nous devrions nous battre pour que le Fonds monétaire international procède à un allègement de la dette des pays les plus pauvres.
- Nous devrions imposer des tarifs élevés et des taxes aux agrocarburants.
- Nous devrions interdire la spéculation alimentaire sur le marché boursier.

Que le plus grand pays d’Europe s’engage dans cette voie aurait un impact symbolique et matériel important. Pourquoi ne faisons-nous pas?

Frank-Walter Steinmeier a dit : «Je vous le rappelle à tous: on peut être coupable de ses actes mais aussi de ses non-actes, si la possibilité d'une action existe." Avait-il seulement conscience de toute la portée de sa phrase ?
agénor
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Re: Nous, les terroristes

Messagepar causonsen » Dim 26 Oct 2014 20:28

Dans le même esprit, Médiapart (25.10.2014) appelle notre attention sur l'intérêt d'un ouvrage intitulé : " Quand l'austérité tue " :

" Le livre de David Stuckler et Sanjay Basu (...) permet une analyse à deux niveaux de temporalité. Pour le court terme, il s’agit de rechercher les meilleures réponses à apporter lors des crises économiques. Pour le long terme, il vient confirmer en creux l’état des connaissances scientifiques concernant les déterminants sociaux de la santé.
Les deux chercheurs, auteurs de multiples publications scientifiques dans des revues à comité de lecture, nous livrent ici le résultat de plusieurs années de recherches dans une synthèse très accessible.
Les auteurs effectuent une analyse historique de plusieurs grandes crises économiques (grande dépression des années 30, chute de l’URSS en 91, et la crise asiatique à la fin des années 90), puis étudie la crise actuelle débutée en 2008, qu’ils nomment la Grande Récession.
Leur analyse est originale et très rigoureuse car elle s’appuie sur les données sanitaires disponibles pour dresser un bilan des politiques mises en œuvre pour faire face à ces crises. Leur bilan est sans appel : l’austérité ou plus précisément le consensus de Washington (2) est inefficace économiquement et néfaste sur le plan sanitaire. Dit autrement, les auteurs rappellent aux dirigeants que leurs décisions, sous le masque de la technique et de l’économie, auront un impact sur la santé de leur population (qu’ils sont censés protéger) et peuvent parfois les tuer indirectement dans la plus parfaite inutilité (et impunité).
En effet, ce ne sont pas les crises et les récessions qui sont directement responsables de cette dégradation sanitaire, mais la manière d’y répondre politiquement.
(...) "

Pour accéder à la totalité de l'article : Médiapart
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