Bruno Le Maire a été secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, de fin 2008 à juin 2009. Il a été précédé à ce poste par Jean-Pierre Jouyet (qui vient de prendre la direction de la Caisse des dépôts et consignations, après avoir dirigé l'Autorité des marchés financiers) et suivi par Pierre Lellouche, auteur de l'immortel ouvrage " Mondialisez-vous ", dont nous avons parlé sur ce forum (
http://www.citoyensunisdeurope.eu/viewtopic.php?f=19&t=152).
Bruno Le Maire a sans doute conservé une fibre européenne, mais encore faudrait-il savoir de quelle Europe il nous parle.
Ce n'est pas un hasard si, pour "
aller vers une harmonisation sociale et économique ", il souhaite "
un ministre de l'Economie et des finances unique." Pourquoi ne nous parle-t-on jamais d’un ministre européen des Affaires sociales ? C’est un sujet secondaire ?
Le renforcement de la participation démocratique en Europe n'est pas qu'une question de réforme institutionnelle. Que ce soit en Europe ou ailleurs, la démocratie ne peut avoir un sens que si le pouvoir politique ne démissionne pas en abandonnant des pans entiers de ses prérogatives : pouvoir monétaire, contrôle des mouvements de marchandises et de capitaux aux frontières, braderie des missions et services publics ... L'union européenne est allée très loin dans ce sens puisqu'elle a inscrit le dogme ultralibéral dans le marbre de ses traités.
Depuis maintenant 4 ans, confrontées à la crise, la Commission et la BCE, bien appuyées par le FMI, reproduisent en Europe la méthode funeste des « ajustements structurels » imposée depuis quelques décennies par la Banque mondiale aux pays en difficulté. Le moins que l’on puisse dire est que le résultat n’est pas brillant : hypertrophie de masses financières spéculatives desservant l’économie plutôt qu’elles ne la servent, faisant un cruel contraste avec la dépression des revenus du plus grand nombre ; mise sous tutelle des Etats.
L’Organisation internationale du travail, dans une étude diffusée le 11 juillet considère que le nombre de demandeurs d’emploi dans la zone euro pourrait passer de 17,4 à 22 millions dans les 4 ans à venir, avec un taux de chômage des jeunes franchissant la barre des 50 % dans plusieurs pays.
Il y a certainement beaucoup à faire du côté des formations, comme le préconise l’OIT, mais peut-on réformer véritablement et durablement les conditions d’accès au travail en Europe sans une forme de protectionnisme ? La course actuelle à la compétitivité internationale met aussi en concurrence les générations : les jeunes, chômeurs ou précarisés, face aux anciens dont on s’acharne, sans grand succès, à rallonger la vie de travail.
Que veut-on ? Multiplier les heures de travail mal payées, avec priorité à l’exportation, ou mieux répartir et rémunérer le travail, avec priorité au mode de vie ? La seconde voie n’implique nullement que l’on succombe aux délices de Capoue. Elle peut s’accompagner au contraire d’une politique active et libre de toute sujétion en matière de recherche, d’innovation et d’investissement. Elle n’est pas non plus synonyme de repli mais elle laisse le choix des partenaires et des accords.
A défaut de protection d’un modèle social européen, nous allons désespérer les travailleurs et en particulier les jeunes. Au-delà d’un certain seuil, ce sera la révolte et elle sera légitime.
Concernant les institutions, il faudrait à l'Europe :
- un Président, dont l’élection au suffrage universel permettrait au débat sur le projet européen de se traduire dans les urnes ;
- un Parlement de plein exercice, représentation directe des citoyens, doté du droit d'initiative législative, avec des députés appartenant à des partis européens, élus sur des programmes européens ;
- un véritable exécutif, qui ne ressemblerait plus beaucoup à l'actuelle Commission, laquelle se comporte trop souvent en secrétariat du Conseil européen ou en terre d’élection des lobbies ;
- une chambre « haute », représentation des Etats, avec disparition ou transformation radicale du Conseil européen ;
- une banque centrale sous le contrôle du pouvoir politique, lui-même régulé dans le domaine budgétaire et monétaire par une « Cour des comptes » aux compétences élargies.
Dans ces conditions, les citoyens européens auraient une chance de choisir une politique pour l’Europe et de la voir appliquer.
En attendant, nous sommes priés de nous satisfaire de quelques gadgets, parmi lesquels « l’initiative citoyenne européenne » (
http://www.citoyensunisdeurope.eu/viewtopic.php?f=35&t=282).