Le syndicat FO a publié en août 2011, un « Livre noir de la RGPP » qui a l’immense mérite de recenser et de détailler toute la palette des dispositions prises dans le cadre de la « Révision Générale des Politiques Publiques ».
Cette « RGPP », qui est à l’œuvre depuis 2007, dans la filiation du rapport « Pébereau » (Michel Pébereau, l’actuel Président du Conseil d’administration de BNP Paribas) sur la dette publique (2005), bouleverse sans grand débat ni publicité les administrations et services publics. Ce devait être un vaste chantier d’amélioration de l’efficacité des administrations et du service au public mais, dans le contexte de pénurie et d’urgence budgétaires, ce n’est plus de la réforme, c’est de l’arithmétique : il faut réduire les effectifs et les dépenses, alors on tranche, on sabre, on démembre, on regroupe ...
On affaiblit ainsi, et parfois on détruit, des organisations certainement perfectibles mais qui avaient fait leurs preuves. Tout ceci a une incidence sur les niveaux de service et de sécurité et nous pouvons être certains que l’avenir nous réserve de mauvaises surprises en la matière.
En attendant, lorsqu’un incident se produit, on convoque le patron de l’organisme supposé défaillant (au choix : météo, SNCF, …) et on le fait savoir pour convaincre le peuple que nous sommes dirigés d’une main ferme, au risque d’humilier et de démobiliser le personnel d’organisations et entreprises héritières d’une vieille tradition de service.
Le document de FO, syndicat français le mieux implanté dans la fonction publique, n’est évidemment pas totalement exempt de partialité. Les syndicats français auraient rendu un meilleur service aux travailleurs et aux demandeurs d’emploi en les défendant tous au lieu de s’arc-bouter sur les avantages acquis de quelques-uns, au risque de nourrir un ressentiment de mauvais aloi à l’égard de la fonction publique. Ce faisant, ils ont facilité le travail des chantres de la RGPP. Beau cadeau fait aux adeptes de la dérégulation et de la privatisation, qui se sont engouffrés dans cette brèche !
Les travers et excès de la RGPP sont cependant suffisants pour que même des personnalités de droite les dénoncent :
Le 6 juillet 2010, dans une tribune publiée par le Monde, sous le titre « Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay », Alain Juppé et Hubert Védrine, anciens ministres des affaires étrangères, s’exprimaient comme suit : « Cet affaiblissement disproportionné (des moyens humains et financiers de la diplomatie française) va encore s’aggraver du fait d’une revue générale des politiques publiques aveugle, qui souvent supprime d’une façon rigide ce qu’il faudrait absolument garder. (…). Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé ».
Quant à la Cour des Comptes, elle a produit, le 16 décembre 2009, un rapport sur l’évolution des effectifs de l’Etat (1980-2008) qui, en termes feutrés, expose ce que la RGPP aurait pu être et qu’elle n’est pas :
« En permettant d’objectiver les économies potentielles liées à des réformes structurelles, la RGPP doit être un instrument privilégié d’adaptation du niveau et de la nature des moyens mobilisés pour les remplir. Ce ne sera le cas, cependant, que si, d’une part, l’exercice ne sert pas seulement à justifier ou à confirmer des économies résultant de l’application d’une norme et si, d’autre part, les administrations se livrent préalablement à une analyse objective de leur vocation propre et à un examen prospectif des besoins qui en résultent. Par ailleurs, cette initiative n’aura une incidence durable et en profondeur sur l’action de l’Etat, son coût et la qualité des prestations rendues par les administrations que si elle donne lieu, au-delà des regroupements de services, à une véritable analyse des missions, assortie de cibles à moyen terme, s’inscrivant dans une approche des politiques publiques élargie à l’ensemble des acteurs publics (singulièrement les collectivités territoriales). »
Laissons maintenant la parole à FO :
LIVRE NOIR DE LA RGPP
Syndicat FO - Août 2011
« Annoncé officiellement par Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FORCE OUVRIERE, le 26 août 2011 suite à son entretien avec le Premier ministre, le « livre noir de la RGPP » (Révision générale des politiques publiques) rédigé par FO est actuellement diffusé.
A travers 136 pages, une quarantaine de sujets touchant directement tous les usagers du service public, des exemples précis et factuels, des chiffres et statistiques en appui, des comparaisons internationales, des témoignages, le « livre noir de la RGPP » décrypte cette casse organisée du service public.
Jamais concertées, jamais débattues, ni au Parlement, ni avec les élus locaux, ni avec les organisations syndicales, ni avec les ministères, 561 mesures de la RGPP ont été élaborées entre 2007 et 2011 en catimini par le Comité de modernisation des politiques publiques (CMPP) : quelques préfets et hauts dirigeants du ministère du budget ainsi que des acteurs du secteur privé, intéressés directement à la privatisation de missions publiques du fait de l’activité de leurs sociétés. Chaque mesure est, de fait, source de conflits d’intérêts.
Par cet ouvrage, FORCE OUVRIERE a voulu mettre en évidence de nombreux impacts néfastes de la RGPP pour tous les usagers (particuliers, salariés, retraités, élus, entreprises, etc) tout en rappelant que la RGPP tue :
- les emplois publics : Force Ouvrière a évalué à 400 000, le nombre de destructions d'emplois au niveau de l'Etat depuis 2007, soit au niveau de chaque département 2/3 des effectifs publics en moins sur cette période ;
- des agents publics et des fonctionnaires : comme l'illustre les drames vécus dans l'inspection des finances, à l'ONF, à la police, au ministère de l'écologie, à l’hôpital, etc
- les territoires en les désertifiant : fermetures de services dans les hôpitaux (11%), de maternités (6%), de commissariats (12%), de gendarmeries (21%), de tribunaux (38%), de bureaux de poste (plus de 8 000 en 5 ans), de classes (1 500 à nouveau à la rentrée 2011) d’écoles, de bases militaires, de sous-préfectures, etc
A travers une quarantaine d’exemples concrets et de cas locaux, rangés selon huit grandes thématiques de la vie courante, ce document caractérise les effets dévastateurs de la RGPP pour les usagers du service public que nous sommes tou(te)s :
1 Se déplacer, où l'on découvre que l'Etat perçoit des dividendes à la SNCF qui augmente ses tarifs, que les routes ne sont plus déneigées correctement, que griller un stop n'est plus une éliminatoire lors de l'épreuve du permis de conduire, que des voitures volées sont blanchies et remises en circulation légalement.
2. Travailler, où le livre noir rappelle les conséquences concrètes de la création de pôle emploi et son impact négatif pour lutter contre le chômage, l'éloignement des services destinés au monde économique (DRIRE, CCRF, Inspection du travail, chambres consulaires...), comment la disparition des services techniques publics pénalise le secteur privé et met en danger les populations, ou encore en quoi le logiciel Chorus fait couler des associations.
3. Se former, où l'on apprend tout sur les fermetures de classes, la disparition rampante du métier d'enseignant, la fin de l'encadrement spécifique pour les élèves en difficultés, l'impossibilité d'accueillir des enfants handicapés et les remises en causes fondamentales de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
4. S'informer, où l'on constate qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des informations de l'administration, de percevoir des allocations familiales, d'obtenir des statistiques publiques, de connaître de temps qu'il fera le lendemain.
5. Être en sécurité, où l'on prend peur en constatant que la police n'est plus en mesure d'assurer la sécurité des biens et des personnes, que de véritables milices privées prennent le relais, que l'état des prisons se dégrade, que la justice n'est plus accessible à tous, que la défense nationale est à bout de souffle, que de nouvelles catastrophes telles que l'explosion d'AZF et l'effondrement de la tribune du stade de Furiani peuvent se reproduire faute de contrôles.
6. Se nourrir, où tout est dit sur la sécurité alimentaire lorsque des abattoirs ne sont plus contrôlés ou que les restaurants et même les cantines scolaires n'ont plus d'inspection sanitaire.
7. Se cultiver, où il apparaît que les missions d'archéologie et de préservation du patrimoine sont marchandisées, qu'il faut maintenant payer pour avoir accès à la culture.
8. Se loger, où comment de moins en moins de logements sociaux sont construits et comment les locataires vont payer plus.
9. Se soigner, où l'on devient malade devant la déshérence de l'hôpital, où se soigner devient un luxe et où obtenir une transfusion sanguine deviendra de plus en difficile.
10. Consommer, où l'on enrage de constater que les consommateurs ne sont plus protégés, que des marchandises dangereuses sont en libre circulation dans le commerce, que des zones de non-droit livrées aux trafiquants sont créées suite au retrait des douanes.
11. Avoir des loisirs, où l'on ne s'amuse pas de voir le sport recentré sur le haut-niveau et délaissé l'activité populaire, les services en charge du tourisme orientés vers les activités de luxe et de voir l'accès aux forêts interdite.
Le livre noir de la RGPP est disponible en téléchargement [ :http://www.force-ouvriere.fr/page_principal/service-public/pdf/livre_noir_RGPP.pdf]