Mobilisations citoyennes contre le Grand Marché Transatlantique (GMT)
Sous le titre « Ces Européens qui défient le libre-échange » Le Monde Diplomatique publie dans son numéro d’octobre 2015 un article qui fait le point sur la résistance aux négociations entre l’UE et les USA autour du projet de marché transatlantique (GMT ou TTIP ou encore TAFTA). Les auteurs sont des militants anti-GMT.
Résumé :
Les deux principales armes des militants anti-GMT sont (i) le vote par une collectivité territoriale d’une motion la mettant « hors TAFTA » et (ii) l’utilisation de l’ICE (Initiative collective européenne) – instrument de démocratie directe sous forme de pétition, introduit par le Traité de Lisbonne, permettant à de simples citoyens de l’UE (à condition de réunir un million de signatures en provenance d’au moins sept pays) d’initier auprès des instances européennes une proposition d’acte juridique.
Zones hors TAFTA :
Cette forme de protestation est née au début des années 2000 contre les négociations sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) dans le cadre de l’OMC. Ces négociations, comme celles autour du TAFTA ont duré plusieurs années dans une grande opacité. La campagne avait alors pris une ampleur inattendue : 816 collectivités locales et 20 des 22 régions de France se sont déclarées « zones hors AGCS ».
Le 14 février 2014, le Conseil Régional d’Ile-de-France vote une motion demandant l’arrêt des négociations sur le GMT « du fait de l’absence de contrôle démocratique et de débat public » et se déclare « zone hors TTIP ». Depuis, près de 500 collectivités territoriales françaises de toute taille représentant 54% de la population ont fait de même. C’est un acte symbolique, puisque les accords internationaux engagent juridiquement tous les échelons institutionnels des Etats membres. Cependant ces motions « zone hors TAFTA » permettent de mobiliser les élus autour de questions très sensibles pour les municipalités (emploi, services publics, environnement, irruption d’entreprises américaines sur les marchés publics locaux…) et les militants anti-TAFTA espèrent que le débat de proximité pourra percoler dans les appareils politiques nationaux.
L’Allemagne compte 228 « zones hors TAFTA » dont Cologne, Leipzig et Munich, l’Autriche 260, la Belgique 82 dont Bruxelles, le Royaume-Uni 21 dont Edimbourg et Bristol. Pour l’instant, la mobilisation reste plus limitée en Italie (néanmoins les villes de Milan et Ancône sont « zones hors TAFTA ») et en Espagne.
ICE :
230 organisations d’une vingtaine de pays ont lancé une pétition en juin 2014, pour demander au Conseil européen d’abroger le mandat de négociation du GMT et de ne pas conclure l’autre traité de libre-échange en cours avec le Canada. En septembre 2014, la Commission a fait savoir qu’elle estimait que l’ouverture des négociations n’était qu’un acte préparatoire, et non un acte juridique entrant dans le champ légal d’une ICE. Les promoteurs de la pétition contestent cette décision devant la Cour de Justice de l’UE et poursuivent leur action.
Regroupant actuellement plus de 480 organisations, ils se sont fixé comme objectif de réunir 3 millions de signatures avant le 6 octobre 2015. Un seuil par pays (nombre minimal de signatures pour qu’une ICE soit valide) est défini en fonction du nombre d’habitants (55 500 pour la France, par exemple). En juillet 2015, ce seuil avait été atteint ou dépassé dans 18 pays de l’UE et en septembre 2015, 2,6 millions de signatures avaient été rassemblées. Au même titre qu’une motion « hors TAFTA », l’utilité première de cette pétition reste sa portée mobilisatrice et éducative.
Au niveau du Parlement européen, les tractations secrètes entre l’UE et les USA ont été avalisées le 8 mai 2015. Cependant, lorsque l’assemblée a été appelée à se prononcer le 8 juillet 2015, notamment sur l’inclusion dans le traité du mécanisme arbitral de règlement des différends entre les États et les entreprises, qui est un des points les plus contestés du contenu, aucune majorité n’a pu être dégagée. Pour l’obtenir, il a fallu que le Président du Parlement présente une proposition modifiée concernant ce mécanisme, avec des juges professionnels désignés par les pouvoirs publics et une possibilité de faire appel de leurs décisions. Il semblerait que la pression sur les eurodéputés de la mobilisation anti-GMT commence à se faire sentir.
Néanmoins, cette mobilisation se heurte à plusieurs difficultés : son maintien dans la durée qui est celle des négociations et de l’entrée en vigueur graduelle du GMT ; le secret des négociations et le manque d’avancées significatives pour canaliser la protestation ; le fait que seul le Conseil européen (des chefs d’Etat et de gouvernement) a les moyens d’arrêter les négociations mais que, même dans les pays où les citoyens se sont massivement prononcés contre le projet de GMT, comme l’Allemagne ou l’Autriche, aucun gouvernement à l’heure actuelle ne veut prendre la responsabilité de le faire.
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