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Le " PIB " (Produit intérieur brut) : un indicateur piège

Notes d'analyses et opinions

Le " PIB " (Produit intérieur brut) : un indicateur piège

Messagepar scripta manent » Ven 23 Nov 2012 13:40

Le PIB est devenu l'un des indicateurs économiques majeurs.
Les moindres frémissements de son taux de croissance (ou de décroissance) sont suivis à la décimale près par les économistes et les politiques. Il est le dénominateur d'expression de nombreuses statistiques, à commencer par la " dette publique ", dont on nous dit que, au-delà de 60 % du PIB, elle serait excessive (cf les " critères de Maastricht " et le récent Traité budgétaire).
Chacun est invité à consommer ce matraquage statistique et de trembler ou de se réjouir au gré des statistiques dont nous sommes abreuvés.
Mais qui sait ce que signifie ce fameux " PIB " et comment il est calculé ?
Le PIB est le parfait reflet de nos temps consuméristes : il additionne tout ce qui se vend, le meilleur comme le pire, et il ignore tout ce qui est gratuit. Il ne prend pas non plus en compte ce qui est détruit ou dégradé.
Cet indicateur envahissant et tyrannique mérite un examen approfondi et nous y reviendrons.
Dans l'immédiat, contentons-nous d'évoquer le travail domestique, non comptabilisé car gratuit, qui, selon l'INSEE, aurait représenté en France 60 milliards d'heures en 2010, soit plus que le travail rémunéré ! Ce travail gratuit apporte pourtant un service incontestable et indispensable. Intéressant, non ? Incidemment, on constate que ce sont les femmes qui en portent la plus lourde charge.
On pourrait mener la même analyse sur le travail bénévole, notamment dans les milliers d'associations qui, souvent et de plus en plus, tentent de suppléer au désengagement des budgets publics.

L'INSEE résume comme suit son étude sur le travail domestique :
" Chaque jour, en moyenne, nous consacrons plus de 3 heures à des tâches domestiques (cuisine, ménage, courses, soins aux enfants, etc.). Ce faisant, nous produisons des services dont nos proches et nous-mêmes pouvons profiter. Mais ces services ne sont pas comptabilisés dans le produit intérieur brut (PIB), alors qu’ils le seraient si nous les achetions, sous la forme par exemple d’heures de ménage. Dans une optique de mesure élargie des niveaux de vie, il importe de connaître la valeur de cette production. Selon les activités que l’on retient comme productives, le temps consacré à la production domestique sur une année en France représente une à deux fois le temps de travail rémunéré. Avec des choix intermédiaires de champ et de valorisation, cette production est évaluée à 33 % du PIB. Ce travail est majoritairement réalisé par les femmes (64 % des heures de travail domestique). "

Pour accéder au texte complet de l'étude de l'INSEE et à une série d'autres documents sur le même sujet :
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1423
scripta manent
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Re: Le " PIB " (Produit intérieur brut) : un indicateur piège

Messagepar causonsen » Ven 21 Mar 2014 20:37

Le communiqué de presse 45/2014 d'EUROSTAT (19 mars 2014) est en plein dans le sujet.
Il pose la question : " Le PIB et au-delà. Mesurer la qualité de vie dans l’UE "
Et il y apporte des éléments de réponse, sur les principes (quels indicateurs retenir ?) et sur les données chiffrées, pays par pays.

Nous en reproduisons des extraits ci-après :

" Qu’est-ce que la qualité de vie et comment peut-on mesurer correctement ses différents aspects? La réponse à cette question se trouve dans la publication en ligne sur les indicateurs de qualité de vie publiée par Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, à l’occasion de la Journée mondiale du bonheur, instaurée par les Nations Unies et mondialement célébrée le 20 mars. Ces mesures de la qualité de vie complètent le PIB, seul indicateur traditionnellement utilisé pour évaluer les développements3 économiques, et souvent sociaux, d’une société. Des exemples, extraits des domaines de la santé et de l’éducation - deux déterminants importants de la qualité de vie des individus - sont présentés ci-après.

Espérance de vie
Le niveau de santé global d’une société est certes lié à son PIB, mais cette corrélation s’affaiblit après qu’un certain niveau de développement économique est atteint. En se fondant sur cette interrelation, les États membres de l’UE peuvent être répartis en trois grands groupes. Ceux de l’UE centrale et de l’est ont une espérance de vie et un PIB par habitant relativement faibles. Ceux situés dans l’UE du sud disposent d’un PIB par habitant plus élevé et de la plus grande espérance de vie, alors que ceux de l’UE du nord et de l’ouest ont le PIB par habitant le plus élevé, mais
l’espérance de vie y est à peu près au même niveau, voire légèrement plus faible, que dans quelques États membres du sud.

Décrochage scolaire
Les personnes ayant quitté prématurément l’éducation présentent, comme le montrent les recherches sur le sujet, un risque élevé de pauvreté et d’exclusion sociale, et les sociétés doivent s’efforcer de réduire leur nombre. Il n’existe pas de lien clairement établi entre PIB par habitant et proportion de personnes ayant quitté prématurément l’école: tandis que la plupart des États membres du nord et de l’ouest ont un PIB par habitant élevé et une proportion de personnes ayant quitté prématurément l’école inférieure à la moyenne européenne, les ratios les plus faibles de personnes ayant quitté prématurément l’éducation ont été atteints dans un groupe d’États membres principalement situés dans l’UE centrale et de l’est, tous disposant d’un PIB par habitant moindre.

Les 8+1 dimensions de la qualité de vie proposées par Eurostat
L’espérance de vie et le décrochage scolaire ne sont que deux des indicateurs qui figurent dans le dispositif d’Eurostat pour mesurer la qualité de vie, sur lequel la publication en ligne se fonde en présentant une analyse détaillée des 8+1 dimensions. Les 8 premières dimensions, qui englobent facteurs objectifs et perceptions subjectives, sont: conditions de vie matérielle, activité productive ou principale, santé, éducation, vie sociale et loisirs, sécurité économique & physique, gouvernance & droits élémentaires et environnement naturel & cadre de vie. S’y ajoute 1 dimension mesurant la perception de l’expérience générale de la vie. Idéalement, les 8+1 dimensions doivent être considérées simultanément, avec le PIB par habitant.
"

Ces quelques lignes ne sauraient remplacer la lecture de la note et l'étude des tableaux et graphiques qui l'accompagne : Eurostat
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Re: Le " PIB " (Produit intérieur brut) : un indicateur piège

Messagepar causonsen » Ven 20 Juin 2014 21:52

Une autre illustration du maniement délicat de l'indicateur " PIB " : ce titre d'un article du 18 juin 2014 du Monde.fr (sur base de dépêche AFP) : " L'Insee n'intégrera pas le trafic de drogue et la prostitution dans le calcul du PIB français "

Extraits :
" L'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a indiqué, mardi 17 juin, qu'il ne prendra en compte que le trafic de drogue et la prostitution dans ses statistiques sur la richesse nationale, et dans une partie qui ne concerne pas le calcul du produit intérieur brut. Ce faisant, l'Insee ne se plie pas aux demandes de l'Europe en la matière.
Les nouvelles normes du système européen des comptes (SEC), sur la base des recommandations d'Eurostat, l'institut européen de la statistique, préconisent aux Etats-membres d'intégrer la plupart des activités illégales créatrices de richesses (dont le trafic de drogue et la prostitution) dans les statistiques nationales. Eurostat et le SEC estiment qu'il s'agit de transactions commerciales menées d'un commun accord.

(...)
Il y a peu, la Belgique et l'Espagne ont annoncé qu'ils se plieraient à l'exercice. L'Italie a de son côté confirmé le 22 mai qu'elle intégrerait dans son PIB l'argent de la drogue, de la prostitution, de la contrebande de tabac et d'alcool (une « économie criminelle » évaluée en 2012 à 10,9 % du PIB par la Banque d'Italie). "

Vaste débat !
En tout cas, une façon originale de "booster" le PIB.

Pour accéder au texte complet de l'article : Le Monde.fr
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Re: Le " PIB " (Produit intérieur brut) : un indicateur piège

Messagepar causonsen » Mar 16 Sep 2014 19:47

France Stratégie (alias le Commissariat général à la stratégie et à la prospective), un service du Premier ministre, vient de publier une note intitulée : " Quels indicateurs pour mesurer la qualité de la croissance ? ", dont nous citons l'introduction et le chapitre " les enjeux " :
" La crise économique et financière de 2008 a remis à l’ordre du jour les interrogations sur la finalité de la croissance. Le début des années 1970 avait amorcé le débat, quand le Club de Rome alertait sur « les limites à la croissance » (rapport Meadows, 1972) : au-delà de la seule augmentation du PIB, comment être certain qu’une société progresse sur le long terme, c’est-à dire sans hypothéquer les ressources disponibles et en assurant le bien-être de l’ensemble de la population, y compris des générations à venir ?
Pour viser une croissance « soutenable » ou « de qualité », il est nécessaire de mesurer non plus seulement la progression du PIB, mais aussi le legs social, environnemental et productif que nous ferons aux générations suivantes.
Dans la lignée des conclusions de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure du progrès social, cette note propose sept indicateurs susceptibles d’accompagner le PIB dans un tableau de bord de la qualité de la croissance française : l’évolution des stocks d’actifs productifs, physiques et incorporels, rapportés au PIB ; la proportion de titulaires d’un diplôme supérieur au brevet des collèges parmi les 25 à 64 ans ; la proportion artificialisée du territoire ; l’empreinte carbone française annuelle, importations incluses ; le rapport entre les revenus détenus par le cinquième le plus riche de la population et ceux détenus par le cinquième le plus pauvre ; la dette publique nette rapportée au PIB ; enfin, la dette extérieure nette rapportée au PIB.
Parce qu’ils représentent de véritables choix de société, ces sept indicateurs devront faire l’objet d’un débat public.
"
Les enjeux :
" La notion de « croissance soutenable » fait référence à la définition du développement durable proposée par la commission Brundtland (1987) : le développement d’une économie - et plus largement d’un modèle de société - est dit soutenable (sustainable) quand il est capable de répondre aux besoins d’une population et de transmettre aux générations futures les ressources nécessaires pour satisfaire leurs propres besoins.
Ce souci d’assurer le bien-être des générations à venir reflète une vision « holistique » des systèmes, puisque ce bien-être doit être entendu au sens large, englobant des dimensions économiques, sociales et environnementales.
On parlera également de qualité de la croissance pour désigner cette condition de bien-être inter-temporel et multidimensionnel.
Mesurer la qualité de la croissance ou la soutenabilité d’une économie est une entreprise complexe. c’est néanmoins indispensable pour guider l’action publique dans ses arbitrages : au vu de la dégradation environnementale, doit-on concentrer les efforts d’investissement sur l’innovation énergétique ou sur la consommation présente ? Peut-on se permettre de temporiser, pour acquérir une meilleure compréhension des systèmes environnementaux et de leurs dérèglements, au risque de s’exposer à des conséquences irréversibles ?
Des indicateurs de qualité de la croissance présentent l’intérêt de rassembler et de hiérarchiser l’information pertinente sur l’état des connaissances scientifiques, afin de réduire l’incertitude qui prédomine sur les déterminants de la soutenabilité.
Le seul produit intérieur brut (PIB) ne saurait constituer une mesure pertinente à cet égard : cet indicateur phare, souvent interprété comme un indice de progrès économique et social, reste une mesure comptable de la valeur ajoutée de la production d’une région. son incompatibilité avec une évaluation de la soutenabilité a été mise en évidence : il rassemble des mesures de flux, donc ne retranscrit pas l’état des stocks de ressources et laisse de côté la soutenabilité sociale (le PIB est notamment « aveugle » aux inégalités socioéconomiques) et environnementale, ainsi que les aspects qualitatifs de l’activité économique.
Cette note présente un jeu d’indicateurs permettant de mesurer la qualité de la croissance française. les nombreuses réflexions engagées en la matière n’ont pour l’heure pas réussi à détrôner le PIB au rang des principaux indicateurs de « santé » et de « performance » des économies ; et beaucoup d’entre elles se sont recentrées sur la question du bien-être individuel et collectif. les sept indicateurs distingués et présentés ci-après se veulent des compléments au PIB ; ils forment un tableau de bord qui vise à garantir la prise en compte du long terme dans le pilotage des politiques publiques. Il est cependant à noter que si les mesures retenues sont pour la plupart fondées sur des données permettant des comparaisons internationales, elles sont avant tout pertinentes pour le cas français. La pertinence de leur adaptation à d’autres contextes nécessiterait une réflexion spécifique.
"

Pour accéder au rapport complet : France Stratégie
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