Il n’y a pas de causes sociales au djihadisme
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Nous, les modernes, croyons en la doctrine des « causes profondes », selon laquelle de fortes pressions sociales sont toujours à l’origine de la rage meurtrière, mais les poètes de l’Antiquité ne voyaient pas les choses de cette manière. Ils considéraient la rage meurtrière comme un trait constant de la nature humaine. Ils pensaient, comme l’a écrit André Glucksmann, que « le principe destructeur nous habite ». Ou alors ils attribuaient cette fureur à des dieux irascibles dont les motivations, emportées et fantasques, ne nécessitaient aucune explication.
Pour les poètes, n’importe qui était susceptible de plonger dans une rage meurtrière – un peuple vaincu, une femme blessée ou une victime des dieux. C’est la rage elle-même qui suscita leur attention, non pas ses origines ou ses causes supposées. Ils consacrèrent toute leur science, poétique, à l’examen de la fureur : à ses rythmes, ses mètres, son vocabulaire, ses nuances, ses degrés d’intensité. L’Enéide est aussi bien une traversée de la Méditerranée qu’un parcours à travers les différentes mutations de cette rage.
Nous, les modernes, préférons néanmoins les chercheurs en sciences sociales aux poètes, parce que nous pensons fondamentalement que le monde est soumis à une certaine logique impersonnelle de cause à effet, que les sciences sociales précisément nous révèlent. Nous sommes convaincus que, si un mouvement terroriste se déchaîne à travers le monde, sa cause est nécessairement à chercher dans un principe de destruction extérieur aux terroristes eux-mêmes.
Il y a autant de « causes...Dans la situation d'agression totalitaire à laquelle l'Union Européenne est confrontée face à Daech, gageons que ses citoyens et ses gouvernants prendront conscience que, de même que la zone euro ne peut fonctionner sans être complétée par des mécanismes économiques d'équilibrage (cf la crise précédant celle-ci), de même la libre circulation dans un espace de type Schengen doit être complétée par un véritable contrôle des personnes et des biens à ses frontières.
Peut-on véritablement parler d'une agression totalitaire. Difficile d'attribuer à Daech, que personne ne connaît véritablement, et dont on a une vision très limitée, la possibilité d'imposer quelque totalitarisme chez nous. A moins, qu'en réaction aux actes commis par Daech, l'Etat ne mette en place des lois liberticides qui pourraient ouvrir en effet, la voie au totalitarisme. Il nous faut manifestement une raison, une explication, une cause à la déferlante de violence. Pourtant lorsqu'il s'agit de populations entières livrées à la violence, comme dans le génocide rwandais, ou le génocide nazi, nous avons moins de mal à imaginer que l'horreur puisse juste exister, parce qu'elle est simplement inscrite dans l'homme. Nous pouvons voir la folie de l'homme, la regarder en face, et continuer de vivre, parce qu'à côté de cette folie, il y a aussi l'amour, la beauté, la poésie, l'art, la culture.
Les terroristes de Paris n'ont pas attaqué la France au nom de Daech, ils avaient leurs motivations propres, leur haine personnelle. Nous n'arrêterons pas les fous en rendant notre société plus paranoiaque, plus contrôlée. Notre Europe ressemblerait vite à ces mini villes américaines qui se sont créées, entourées de miradors, et d'hommes armés, pour empêcher les pauvres d'y pénétrer. Nous nous moquions ce cette manière de vivre, de la ségrégation. La réponse à cette folie ne peut en être une autre qui nous pousserait à construire des murs de barbelés autour de nos pays.
http://www.france24.com/fr/20150911-murs-hongrie-bulgarie-macedoine-europe-entouree-barbeles-migrantsLaissons donc cette folie à la poésie, et attaquons-nous aux causes et aux conséquences. La misère mène à plus de misère. La Syrie est misérable. Elle a été frappé en ce début du 21ème siècle par une probable conséquence du réchauffement climatique. Un million de paysans ont du fuir leurs terres, devenues désertiques. Ce million d'âmes affamées, extrêmement pauvre, a déséquilibré ce pays, déjà très fragile. C'est la misère qui a entraîné la guerre, nous le savons tous. Comme elle entraîne la guerre partout ou elle est. Daech, est le produit de la misère, et nous ne pouvons pas éradiquer Daech, parce que la seule manière de le faire, serait d'éradiquer cette misère. Il y a des milliers de Daech sur terre, partout ou la misère existe. Nous connaissons les causes, les conséquences. Elles sont simples, et démontrables scientifiquement (peut-être sont-elles si simples, qu'elles nous apparaissent simplistes, et que dès lors, nous ne les voyons même plus?). Et nous savons aussi comment faire évoluer les choses. Mais pour cela, il faudrait que l'humanité se serre un rien plus les coudes, et que l'on dépasse la notion d'Europe. Et surtout, qu'on arrête de jeter des bombes sur des populations en détresse...