Nous avons déjà évoqué sur ce forum le fait que les élections au Parlement européen ont, jusqu'à présent, plus dépendu d'enjeux politiques et partisans nationaux que de véritables débats sur l'état et l'avenir de l'Union. Pour les partis, il s'agit trop souvent de " recaser " des candidats évincés lors d'élections nationales ou de marchander entre " courants " ou " coalitions ". Dans ce contexte, pour les électeurs, le vote traduit plus l'état de l'opinion sur la politique nationale qu'une vision du projet européen.
Un article de Jean-Baptiste Daoulas, sur Slate.fr (9 décembre 2013), jette une lumière crue sur cette dérive, qui n'épargne ni la majorité au pouvoir ni l'opposition.
Extraits :
" C'est l’histoire d’une erreur qui se répète tous les cinq ans. Pendant quelques mois, le microcosme politique se passionne pour les tractations autour des listes pour les élections européennes. Les poids lourds du PS réussiront-ils à imposer leurs proches aux places éligibles? Nadine Morano va-t-elle retrouver un mandat? Rachida Dati conservera-t-elle le sien? Mais à aucun moment n’est posée la seule question vraiment importante pour l’influence de la France: ces candidats feront-ils de bons députés européens ?
Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil aux listes que le PS vient de valider au cours d’une convention nationale. Trois parlementaires socialistes particulièrement actifs pendant l’actuelle mandature ne sont pas reconduits alors qu’ils avaient toutes les qualités pour prétendre à des postes influents dans la future assemblée. Le crime de Liêm Hoang-Ngoc, Françoise Castex et Bernadette Vergnaud ? Ne pas peser assez lourd dans leur parti.
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Bruxelles et Strasbourg forment un monde parallèle où l’échelle de la célébrité est inversement proportionnelle à celle de Paris. Les stars françaises s’y nomment Pervenche Bérès, Alain Lamassoure ou Joseph Daul, là où Rachida Dati, Vincent Peillon ou la famille Le Pen font figure de cancres irrécupérables.
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A l’UMP, qui doit élaborer ses listes avant le mois de février, Alain Lamassoure rêve à haute voix d’une procédure transparente pour confronter au grand jour les compétences européennes de tous les impétrants. L’eurodéputé sait que son statut de président de la commission des Budgets ne vaudra pas immunité au siège de l’UMP.
Dans la circonscription Sud-Ouest, Michèle Alliot-Marie, battue aux législatives de juin 2012, lorgne ouvertement sa place. Dans la région Est, Nadine Morano, autre égérie déchue du gouvernement Fillon, ne cache pas son envie de regagner un statut de parlementaire à l’occasion des prochaines élections européennes.
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Quant à Jean-Paul Gauzès, il en est réduit à croiser les doigts pour qu’on lui laisse la dernière place éligible sur la liste UMP dans la circonscription Nord-Ouest, la tête de liste semblant déjà être la chasse gardée de Jérôme Lavrilleux, néophyte sur les questions européennes mais bras droit de Jean-François Copé. Alain Lamassoure s’indigne : « Gauzès a été l’homme-clé du traitement de la crise financière. Il a été capable de tenir la tête aux juristes de la City de Londres! Mais il est traité comme quantité négligeable à Paris car il n’est proche d’aucun présidentiable. »
A force de ne pas reconduire ses députés méritants et d’envoyer à Strasbourg des candidats plus intéressés par le statut de parlementaire - et les confortables indemnités qui vont avec - que par les questions européennes, la France saborde son influence au Parlement européen. "
Pour accéder au texte complet de l'article : Slate.fr