Extrait de l'ouvrage " Debout l'Europe " (Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt, suivi d'un entretien avec Jean Quatremer - Octobre 2012)
Au sein du chapitre " Des institutions communautaires à la dérive " :
Jean Quatremer :
" On accuse toujours les gouvernements, mais il y a une grande absente depuis quinze ans : c'est la Commission européenne "
Daniel Cohn-Bendit :
" C'est exact. La Commission a le monopole de l'initiative législative, un pouvoir déterminant. Elle pourrait donc mettre sur la table une proposition de mutualisation de la dette, par exemple. Mais elle ne le fait pas. "
Jean Quatremer :
" Elle a quand même rédigé un Livre vert, fin 2011, sur le sujet. "
Guy Verhosfstadt :
" Si on ne veut pas décider, on fait un Livre vert ... (...) Si la Commission s'abstient, c'est parce qu'elle a perdu son indépendance et est entre les mains des grands Etats. "
Daniel Cohn-Bendit :
" La Commission, c'est l'enfant du Conseil européen : c'est lui qui désigne son président et ses commissaires, même si le Parlement européen donne son aval. Historiquement, il y a eu une Commission forte, celle dirigée par Jacques Delors (1985-1994), parce que François Mitterrand et Helmut Kohl lui avaient délégué la réalisation du Marché unique, puis de la monnaie unique. (...) Mais, après le traité de Maastricht de 1991, les grands Etats, y compris la Grande-Bretagne, vaccinés par les années Delors, ont préféré avoir des Commissions faibles : l'exécutif européen est petit à petit devenu le secrétariat du Conseil. José Manuel Barroso (...) a été nommé sur proposition de Londres, car il était l'incarnation de ce nouveau rôle dévolu à la Commission, celui de médiateur entre les Etats. Et depuis la création du poste de président du Conseil européen, en 2010, même ce rôle lui est contesté ! "
Guy Verhosfstadt :
" La Commission ne dépose désormais un projet que si elle a d'abord reçu l'approbation de quelques grands Etats, essentiellement de la France et de l'Allemagne. Logiquement, cela mène à la disparition du droit d'initiative. (...) A chaque fois que j'interroge la Commission sur telle ou telle abstention, elle me répond qu'elle n'a pu obtenir l'approbation de tel ou tel grand Etat et que cela n'aurait donc aucun sens de se lancer dans une bataille qu'elle considère comme perdue d'avance. Ce qui est totalement faux : déposer un projet, cela crée une dynamique, surtout dans les domaines où l'on décide à la majorité qualifiée. "