A propos du modèle allemand, toujours.
L'émission d'Alexandra Bensaïd On n'arrête pas l'éco du samedi 14 septembre 2013, diffuse en particulier un reportage sur les bas salaires en Allemagne, signé Lise Jolly.
On y apprend que si l'Allemagne a un taux de chômage à 5%, c'est en partie un trompe-l'oeil, car il n'y a pas de minimum salarial, ce qui conduit à des bas salaires qui ne permettent en réalité pas à ceux qui les perçoivent de vivre.
Quelques interviews permettent de s'en rendre compte. Mathilde, à qui on proposait un travail de rédacteur à 600€ mensuel, soit 3,30€ de l'heure, ou à qui une galerie d'art, après lui avoir fait miroiter 1500€ mensuels en CDI, l'a finalement embauchée en contrat de freelance à 400€ par mois, lui laissant le soin d'acquitter ses charges sociales elle-même.
Tout le monte accepte la chose, semble-t-il, car c'est ça ou rien. Les séances d'embauche donnent lieu à des enchères, c'est le moins disant qui est pris. Un barman à 300€ par mois, par exemple, licenciable sans la moindre formalité par l'employeur.
Les salaires sont donc pour certaines catégories de travailleurs - qui ne sont donc pas étiquetés "chômeurs" - de 1 à 4€.
Franz-Josef Möllenberg, le dirigeant du syndicat de l'hôtellerie et de la restauration allemande, le NGG, l'un des plus anciens syndicats en Allemagne, s'insurge de ces pratiques :
"En Allemagne environ 8 millions de personnes (pratiquement 1/4 des salariés) sont tombés dans la catégorie des bas salaires.
je peux même aller plus loin : je parle non seulement de bas salaires mais de salaires de misère car le patronat à développé ces dernières années un modèle économique sur le dos des employés.
On devrait avoir honte quand on donne les chiffres.
Les médias ont beaucoup parlé de cette femme qui travaillait dans un hôtel comme femme de ménage et qui percevait comme salaire 1,81 € de l'heure.
Ou encore ces gens qui sont employés dans une fabrique de saucisses en Sarre et qui touchent 3€ ou 3,50€ de l'heure.
Dans les 28 pays de l'union il n'y a que deux pays qui n'ont pas de salaire minimum légal : Chypre et l'Allemagne."En réalité, ces salariés n'ont d'autre choix que de se retourner vers les "job centers" qui leur paie appartement, internet, électricité et eau. C'est donc in fine le contribuable qui finance les emplois à la place des employeurs.
Selon Franz-Josef Möllenberg, le salaire minimum permettrait de corriger les problèmes suivants :
- Tout d'abord les gens, qui ont besoin de chaque euro, chaque centime, auraient plus d'argent de leur poche ce qui améliorerait le pouvoir d'achat
- Ensuite, le soutien par les job centers coûte 10M€ par an à l'Allemagne.
- La situation économique voit détruire les bons postes pour des emplois très peu rémunérés
"Il faut ajouter à ça que nous avons en Allemagne un problème car ces pratiques particulières affaiblissent le système protection sociale.
Pas seulement à cause du travail précaire mais à cause des mini-jobs.
On a là une véritable bombe à retardement. Dans 10 15 ou 20 ans quand les femmes, car ce sont surtout elles qui sont concernées, vont arriver à l'age de la retraire sans avoir cotisé, elle se tourneront naturellement vers l'état pour qu'il leur assure un moyen d'existence à minima"
Cette situation perdurera-t-elle ?
Tout d'abord elle dépend en partie du résultat des élections prochaines. Peter Steinbrück ayant promis l'instauration d'un salaire minimum.
D'autre part Lise Jolly nous apprend que la justice s'en est récemment mêlée :
"Un patron de livraison de pizzas à domicile vient de se faire condammner par un tribunal de Prudhommes pour avoir versé à ses salariés des salaires de misère :
1,79€ à 2,12€ de l'heure ou encore 430 € brut pour 40 h par semaine
Inutile de dire que les salariés avait forcément recours à l'aide sociale pour survivre
du coup ce patron doit rembourser cette dette sociale 11000€.
Il se pourrait bien que le dumping salarial de ces dernières années prennent fin en Allemagne"