Pierre Moscovici a été député européen de 1994 à 1997 puis ministre délégué aux Affaires européennes pendant cinq ans.
A nouveau député européen de 2004 à 2007, il aura aussi été l'un des Vice-présidents du Parlement européen.
C'est donc en fin connaisseur de l'Europe que, dans son livre " Défaite interdite ", paru en mai 2011, il se déclarait " fédéraliste (européen) mais pas béat " et soutenait que " sans approfondissement du projet européen, toutes nos promesses resteront lettre morte ".
Où en est-il de ses convictions européennes ?
Son discours d'ouverture, le 26 octobre 2013, à la conférence Europa, organisée par Europanova, permet de s'en faire une idée.
Extraits :
" L’Europe est le fil directeur de ma vie politique. "
Bon début !
" Une fois que l’on a compris la force et les conséquences de nos interdépendances, le reste en découle presque tout seul. Cela nous impose, en toute circonstance, de définir l’intérêt commun. C’était un peu le sens de cette conviction de Jean Monnet, que j’aime rappeler : « Nous sommes là pour accomplir une œuvre commune, non pour négocier des avantages, mais pour rechercher notre avantage dans l’avantage commun ». L’intérêt commun, qu’est-ce que c’est ? Ce sont des disciplines, pour le faire respecter. Ce sont des solidarités, pour l’incarner et l’exercer effectivement. Ce sont enfin des procédures et des institutions, pour le définir ensemble. (...)
Nous avons aujourd’hui une part, mais pas tous les ingrédients qui permettent à l’intérêt européen commun de se déployer effectivement. Nous avons les disciplines, avec un encadrement poussé des politiques budgétaires. Nous avons la solidarité, mais notre créativité s’est surtout déployée dans le champ financier, et nous n’avons toujours pas les instruments de politique économique pour faire reculer le chômage en Europe, qui reste à des niveaux anormalement élevé, ou pour accélérer la sortie de crise dans les Etats qui sont le plus durement touchés. Enfin, nous n’avons pas non plus les bonnes procédures et institutions. (...)
Nous devons tirer toutes les conséquences du fait qu’au sein de l’UE à 28, qui reste à la fois notre grand marché intérieur et notre patrimoine politique commun, la zone euro constitue une dimension particulière, et que la monnaie unique change radicalement la façon de faire de la politique économique :
- Nous pensons qu’il faut un budget pour la zone euro, qui soit notre première défense commune face au reflux de la croissance. A mes yeux, ce budget aurait vocation à financer un socle de financement de l’indemnisation chômage en zone euro. Il permettrait ainsi d’exprimer une solidarité entre les membres de la zone euro et de donner une réalité à l’Europe sociale, tout en étant un outil puissant de stabilisation macroéconomique, première réponse à un ralentissement de l’activité.
- En parallèle, il faut redonner de la lisibilité aux institutions politiques qui sont chargées de la politique économique, chargées de la sauvegarde de notre intérêt commun. C’est pourquoi je propose que les députés qui représentent les citoyens de la zone euro au sein du Parlement européen constituent, en son sein, un comité chargé de colégiférer dans l’intérêt de l’union monétaire. Je pense aussi à la création d’un «ministre des finances » de la zone euro – un Président permanent et exclusif de l’Eurogroupe, qui pourrait être aussi le membre de la Commission européenne chargé des affaires monétaires – qui incarne et défende cet intérêt commun, et garantisse que nos décisions soient rapides et à la hauteur des enjeux.
Compléter la zone euro ne veut pas dire que nous nous détournerons de la dimension de l’UE à 28. Il ne s’agit pas d’oublier cette grande Europe – je sais qu’elle est bien représentée dans l’assistance – qui est naturellement notre espace de droit, de liberté et de sécurité, et qui a toute sa place pour construire un grand marché domestique pour nos entreprises, une politique commerciale, une politique environnementale, une coopération pour la défense, pour permettre à l’Europe de peser dans son voisinage et sur la scène internationale. (...)
La perspective des Etats-Unis d’Europe s’est à tout le moins éloignée. Mais notre tâche est toujours, à l’heure d’une nouvelle mondialisation, de construire la puissance européenne rayonnante et politique que nous voulons, d’unifier les Etats européens. (...)
Malgré la crise, malgré les difficultés de la période, malgré les insuffisances et parfois les ratés de son intégration, je ne suis pas pessimiste pour l’avenir de l’Europe : elle est résiliente, elle est forte, elle a tous les atouts pour réussir. Elle doit simplement garder toujours à l’esprit d’où elle tire sa puissance : de l’imbrication de nos destins, qui fonde notre intérêt commun, et qui a parfois l’invisibilité des évidences. A nous de faire davantage partager cette évidence et lui donner un visage. "
Pour accéder au texte complet de l'allocution de Pierre Moscovici : Allocution
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