par KERHUNE » Sam 12 Nov 2011 18:39
Nous avons les yeux fixés sur les causes institutionnelles qui empêchent l'Europe de trouver une solution à la crise. Il est vrai que l'absence de décision centralisée aboutit à des retards préjudiciables. Mais on peut se demander si, sur le fond, les défenseurs actuels d'une Europe institutionnelle se retrouveraient dans les décisions qui seraient prises par des institutions Européennes plus présentes. Il semble que le besoin d'institutions se révèle plus nécessaire aujourd'hui en raison de l'urgence d'une solution. Est-ce si évident que cela et le besoin d'institutions n'était-il pas plus impérieux voici trente ans, quand nous avons commencé à entrer dans ce tunnel de l'endettement ? Faut-il suivre sur ce plan les thèses de Noamie KLEIN dans "la stratégie du Choc" ? Au moins peut-on s'inspirer de ses développements. Le courage politique a manqué pendant tout ce temps dans de nombreux pays, dont la France. Non pas pour appliquer les réformes rendues indispensables pour s'adapter aux conséquences de l'ouverture débridée des frontières ou l'élargissement à pas forcés de l'Europe. Mais tout simplement pour laisser aux citoyens le choix de leur avenir. Puisque celui-ci ne se situait plus au niveau national, il fallait porter la démocratie au niveau Européen en présentant le modèle proposé et en demandant aux citoyens de choisir si oui ou non une décision supra-nationale pouvait s'imposer à eux. Comment répondre à une telle question si on ne sait pas sur quoi porteront les décisions et quels choix sont en jeu ? Se faire imposer la couleur du drapeau Européen par un vote supranational n'a pas tout à fait le même poids que la suppression du salaire minimum.....
Cela n'a pas été fait et la contribution des états est restée dépendante des conditions électorales nationales tandis que l'Europe approfondissait, sans réelle transparence, les domaines de compétences qui lui avaient été attribuées sans que ses citoyens se sentent concernés.
Aujourd'hui l'expérience a appris aux gouvernants que le peuple est versatile et d'ici à penser qu'il est imprévisible, donc qu'il ne faut lui demander son avis qu'avec parcimonie, il n'y a pas loin. L'exemple récent de la Grèce et les propos haineux de certains européens à son égard illustrent de façon caricaturale cette nouvelle option.
Quoi qu'il en soit, à moins d'une action de solidarité européenne passant nécessairement par la BCE, la voie la plus probable semble maintenant tracée comme un autoroute et le petit chemin qui l'évite est bien étroit et mal indiqué !
La cabine de pilotage économique de l'Europe répond, à l'origine, aux principes de l'école néo-libérale. Un seul objectif: la monnaie, une seule manette: les taux d'intérêt, une seule variable d'ajustement: le travail au travers des salaires et du chômage. Sauf que les gouvernements ont refusé depuis les années 1980 de tirer les conséquences des décisions qu'ils avaient prises. Le chômage est devenu structurel, la croissance atone, l'endettement endémique et pour maintenir cette pauvre croissance au travers de la consommation, la redistribution sociale n'a pas été trop touchée. Les pays ont continué à consommer en s'endettant pour le plus grand profit des économies émergentes dopées par les délocalisations ou des pays comme l'Allemagne ou certains pays nordiques plus habiles que d'autres pour tirer leur épingle du jeu.
Comment ne pas voir que depuis trois décennies, la croissance mondiale repose sur ce principe éminemment porteur de crise qu'est l'endettement de consommation et non pas d'investissement. C'est là qu'il aurait fallu des autorités responsables européennes pour prendre le problème dans sa globalité géographique. Les gouvernants, tétanisés par le souci de leur rééelection autant que par leur vision étroitement nationaliste n'ont rien voulu savoir quant à ce besoin de clarification et de choix. Le rôle du Bundestag dans la stratégie de Mme MERKEL serait sans doute un exemple favorable à la démocratie si, en fait, il ne montrait la faiblesse d'un processus de décision qui donne un droit de véto au plus puissant des états et donc à une minorité, qui plus est, sur une décision qui s'apparente par son importance à un changement constitutionnel.
Aujourd’hui le microcosme de nos dirigeants semble d'accord sur un point: il faut réduire la voilure, se désendetter et donc moins consommer. Et pour ce faire, on aurait besoin d'institutions européennes. Celles-ci ont l'avantage d'imposer leurs décisions sans que les citoyens puissent trop se prononcer sur leur bien-fondé. Et surtout, on en vient aux thèses néo-libérales sans ce keynésianisme rampant qu'on a connu pendant ces trois dernières décennies où les dépenses de la puissance publique ont compensé les défauts majeurs du système. Moins d'état, moins de dépenses sociales, moins d'impôt, des salaires ajustables (pourquoi pas au niveau roumain par exemple)....., voilà ce que ces institutions seraient en passe d'imposer sous le label »Il n'y a rien d'autre à faire ». Pas un mot pour dire comment, à partir de ce crédo, on va relancer la croissance et donc donner un espoir dans l'existence aux jeunes, aux femmes désirant travailler, aux travailleurs âgés ou aux salariés peu formés. Le dogme devient tout puissant et on se croirait dans la Russie des soviets d'il y a bientôt un siècle: « Ce n'est pas grave si quelques générations sont sacrifiées, le monde sera bien meilleur après ». Et entre-temps ?